Spider-Man 3

Publié le par JSUL


Twins


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Pour le dernier épisode (on l’espère), Sam Raimi y est allé à fond : Une ribambelle de nouveaux personnages, un Peter Parker/ Spider-Man nouvel version du plus bel effet et des effets spéciaux inédits époustouflants. Et si le film le plus cher de tous les temps était aussi le meilleur ?



Le monde en bleu et rouge

Peter Parker est comblé : Sa relation avec Mary-Jane Watson est au beau fixe, il est premier de sa classe et photographe respecté au Daily Bugle ; même son double masqué, pourtant détesté, est sur le point de recevoir « les clés de la ville » de New-York. En amour comme en l’air, l’araignée est au sommet de la gloire… mais les ennuis lui pendent au nez: son ancien meilleur ami, Harry Osborn est décidément résolu à lui faire payer la mort de son père. Parallèlement, un évadé -qui n’est autre que le véritable assassin de son oncle- se transforme en Sand-Man, poussé à voler pour guérir sa fille souffrante. Eddie Brock, double négatif de Peter (extraverti, dragueur, hype) tente de prendre sa place au Bugle en tant que photographe de Spider-Man. Si cela ne suffisait pas, une étrange substance noirâtre semble être très attirée par le côté sombre de Peter Parker. Une transformation de personnalité qui semble être la conséquence (ou la cause ?) de l’arrivée de ce symbiote nommé Venom.



Un programme chargé, quelque peu brouillon s’il en est ; mais autant ne pas bouder notre plaisir : ce Spider-Man est un véritable bijou. Savoureux, spectaculaire, il n’en oublie pas d’être intelligent. Sam Raimi, toujours derrière la caméra, armé de l’excellent scénariste Alvin Sargent (auteur de l’excellentissime Spider-Man 2) ont certainement pondu la plus pertinente des interprétations post 11 septembre.

 


Sombre Parker

Si la légèreté et le lunaire de Spider-Man 1 & 2 a laissé place à la violence et l’urgence, c’est parce que la saga a atteint sa maturité. Ce troisième opus, très complexe dans sa structure, est le point d’orgue de la trilogie. Il se devait de trancher avec les thèmes qui ont alimentés les deux premiers films : Les joies et déboires de l’adolescence et l’âpreté du passage à l’âge adulte laissent place ici, au concret. « Fini de rire ! » semble crier Raimi. La vie de son héros a trouvé une vitesse de croisière et Peter Parker peut enfin exister. Seulement un homme sans souci est un homme désarmé. Désarmé contre les dangers de la vie de justicier (le sens d’araignée, qui l’alerte des menaces, prédominant dans les précédents opus a été volontairement oublié) comme dans la vie de tous les jours. Les portes de la vanité et l’égocentrisme sont grandes ouvertes ! Alors quand le symbiote s’empare du corps de Peter, ce dernier, plus puissant et plus rapide, ne dit pas non. Cette urgence, Sam Raimi l’a vicieusement installé dans la première partie du film, mielleuse à en devenir volontairement ridicule. La descente aux enfers de son héros n’en est que plus impressionnante.

L’humour est, lui aussi, régulièrement présent dans Spider-Man 3 (le serveur français- génial Bruce Campbell, J.J. Jameson, l’incroyable métamorphose de Parker dans d’exemplaires scènes de comédie), mais le ton, lui, est toujours grave.



L'ombre du 11 septembre

Car si l’ambiance est résolument dramatique, c’est que les thèmes présents dans le film sont beaucoup plus sérieux. Raimi nous parle de pardon, de rédemption mais aussi de vengeance et de haine. Une réflexion porteuse de schizophrénie qui n’est pas étrangère à ce que peuvent ressentir les Américains et les occidentaux après les attentats terroristes. Les « bad guys » et la fin du film sont clairement allégoriques du drame des Twin Towers (les journalistes, la foule, le drapeau américain, ce sentiment de vertige,…). Mais Raimi ne donne pas de leçon, il propose la voie de la sagesse. De ce fait, il prône le pardon plutôt que la rancœur. Il prône l’espoir plutôt que de la peur.

Les proportions spectaculaires que prennent les scènes d’action sont de ce fait, totalement cohérentes avec le propos : démesurées (la transformation finale de l’homme sable), vertigineuses (Harry contre Peter, en rotation au sommet d’un building), sauvage (Venom contre Spider-Man) et brutales (le duel dans les égouts). Les effets spéciaux sont, comme d’ordinaire depuis le premier épisode, bien évidemment liés au plaisir du spectateur mais servent réellement l’histoire. Le gigantisme renforce le mimétisme du blockbuster avec notre monde : torturé et incontrôlable car gargantuesque et manipulé par les multinationales et les médias.




Grâce et hommages

Bien sûr, puisque la saga Spider-Man a été conçue d’un bout à l’autre à la manière d’une tragédie ; quelques moments de grâce survolent tout de même le 3 : la pénible danse du phœnix de l’homme sable bercée par la bande-son de Christopher Young (qui a su faire honneur à Danny Elfman), la scène de l’église, riche en métaphores ou le final théâtral, chaud et tonitruant.

Comme dans 1 & 2, les clins d’œil au cinéma de genre sont légions. Il honorait les fantastiques japonais et coréens dans le 2 ; dans ce troisième, quelques scènes font la part belle au cinéma burné américain avec un étonnant et burlesque duel à mains nus entre « bad » Parker et Harry Osborn. Musique italienne, lumière made in Le Parrain. Evidemment, Raimi ne peut pas s’empêcher de mixer la scène avec des dialogues dignes de Die Hard ou L’Arme Fatal. Une belle preuve d’amour finalement…








Sexy Tobey


Les acteurs s’en donnent à cœur joie. Surtout Tobey Maguire qui se révèle extrêmement technique et polyvalent : tantôt léger, ironique, Tobey peut être doux comme un agneau comme il sait être vicieux et viril lorsqu’il se lâche (incroyablement odieux- raie hitlérienne de rigueur- et sexy lorsqu’il se transforme en bombe de testostérone). Celui qui a porté le personnage de ses énormes yeux bleus et de sa bouche pincée n’aurait pu mieux servir le personnage. Avouons qu’il est excellemment épaulé par une Kirsten Dunst perdue, nœuds au ventre dans cette jungle new-yorkaise, un James Franco (Osborn) méconnaissable après son amnésie et un Topher Grace espiègle et terrible . La qualité de jeu par rapport aux deux autres volets est indéniable et contribue à la réussite de Spider-Man 3. Seule ombre au tableau : on se demande ce que vient faire le pépère Thomas Haden Church (Sideways) dans le rôle musclé de Sand-Man.



 


Adieu

La trilogie aura honoré d’un bout à l’autre le fan, les cinéphiles et les auteurs originaux. C’est avec regret que l’on salue les personnages si attachants qui nous ont tenu compagnie durant six ans. Dense, ahurissant, complet et engagé, Spider-Man termine son cycle par une troisième toile claire-obscure mais un message de bonne augure. Raimi ne laisse pas le public s’imaginer l’ombre. Il juge, à raison, trop facile de créer la peur que de rassurer sur un avenir lumineux. C’est d’actualité en France et ça s’appelle le respect.

La saga Spider-Man se conclue donc par un feu d’artifice cinématographique, 3 irradiant, parfait blockbuster intimiste bourré d'amour, d'humour, de remise en cause et question. Souhaitons à l’araignée la plus belle des hibernations.





Dossier Spécial


R.I.P.: Radical, Intelligent, Politique

Quelques précisions ne sont pas de trop tant les qualificatifs sont multiples pour décrire ce nouveau Spider-Man. Tant de choses à expliquer, tant d'émotions à faire partager. Il aura fallu le voir à deux reprises pour cerner les subtilités, Sam Raimi étant parvenu à créer un film dense, complexe et riche en messages.


 


 

L’écho du 11 septembre

Après s’en être pris pleins les yeux pendant près de deux heures, on sent que l'attentat terroriste fut au cœur de l’écriture de Spider-Man 3. Habitée, par une aura névrosée et torturée, la ville de New-York, dans le film, semble chercher le remède. Peut-être, pour cette raison, Spider-Man est-il devenu la mascotte de la ville, le messie.

L’alter ego de ce dernier, Peter Parker, semble affecté par cet élan d’incompréhension et de désespoir. Le vague-à-l’âme, la remise en question du second épisode a laissé place à la tourmente. Entre deux eaux, il paraît orgueilleux, brutal, haineux ; en un mot : affaibli. Témoin physiologique de ce changement, le « costume noir » renvoie logiquement au changement psychologique du personnage mais au final, il semble vouloir personnifié le deuil. Ce que Raimi et Sargent ont voulu montrer, c’est que ce processus de prise de conscience de la mort débouche, aux Etats-Unis comme dans les pays concernés, sur une ténébreuse volonté de revanche et de vengeance (dont Harry Osborn est l’étendard).


 



La dernière partie du film (les vingt dernières minutes) semble être la vision exagérée et résumée de la journée du 11 septembre 2001. Vu par l’œillet de Sam Raimi, amateur de constructions symboliques basées sur une mythologie, le drame est représenté par de puissantes images : La population initiée à la peur de la mort (ici la mort de Mary-Jane puis la mort de Spider-Man) via les reportages à la télévision, les mouvements de foules, le drapeau américain, les tours, l’interprétation du messages des terroristes, les regards pointés vers le ciel, etc. Le but pour les concepteurs du film n’est pas de moraliser mais plutôt marquer l’inconscient collectif en montrant l’invasion progressive de la peur. Vraisemblablement, Raimi critique par ailleurs une politique américaine trop agressive, basée sur l’inquiétude des populations. Plus précisément, le réalisateur apparaît scandalisé quant à l’utilisation, par le gouvernement américain, d’armes lâches : l’argent et l’amalgame.

De ce fait, le choix des super-vilains (Venom et incontestablement Sand-Man) s’impose de lui-même. Il est intéressant de noter avec quel précision les scénaristes se sont appropriés des personnages vieux de 50 ans pour les inscrire dans une fable contemporaine.


Venom: l'intégriste


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Venom a besoin d’un hôte pour exister. Agissant telle une drogue, le parasite mutant exalte l’habité : Peter, rongé par la vengeance et Eddie, blessé en son for intérieur font deux parfaits amphitryons, sensiblement disposés à craquer. Le mal, rampant, véhiculé par la haine, fait étrangement penser, dans Spider-Man 3, à une organisation terroriste –en l’occurrence Al Quaïda, alimentée par la haine et la vengeance, les deux pôles qui font sa force. Cette obscure forme belliqueuse, tend à nous faire comprendre ce qu’est réellement l’extrémisme religieux plutôt que de le critiquer. Sam Raimi touche donc au spirituel et non pas à la religion

De plus, c’est au cœur d’une église que le symbiote s’échappe du corps de l’innocent Peter Parker pour investir un Eddie Brock avouant vouloir la mort de ce premier. Raimi veut attirer l’attention sur l’importance du rôle du corps catholique dans la création de pôle religieux extrémiste. Cette action témoigne d’une impartialité assez étonnante pour un film américain à gros budget.

Attention, Sam Raimi ne justifie pas le comportement des terroristes mais il sensibilise le public sur le fait qu’il doit comprendre d’où est venu ce mal qui a frappé les américains le 11 septembre. Il dénonce par ailleurs l’analogie raciste faite par la population américaine entre les intégristes et le peuple arabe.



Sand-Man: L'avatar du monde arabe




Perçu comme un criminel dans une première partie du film, Sand-Man, éprouve une profonde sensibilité. Littéralement homme-sable, il symbolise le peuple du désert ou plus généralement le Moyen-Orient. Si la corruption finale (l’alliance avec le Venom) l’a gagné, si son côté sombre s’est réveillé, c’est bien parce qu’il a une cause. L’équipe de Spider-Man essaie de faire passer l’idée que l’individu issu d’une culture arabe est souvent comparé à un terroriste lorsqu’il agit par instinct de survie (la critique de Bush sur l’Irak est au centre de la tornade). Nous retiendrons, pour étayer cette thèse, la réplique finale de Sand-Man : « Je ne te demande pas de me pardonner, Peter. Je te demande juste de comprendre». Tout est dit.


Ah les femmes !


Gwen Stacy, tendre kitsch


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Fausse rousse décapante dans les deux premiers Spider-Man, MJ, interprétée par Kirsten Dunst, se fait voler la vedette par Gwen Stacy (Bryce Dallas Howard), fausse blonde pétillante. Premier amour de Peter dans la bande dessinée originale, sa présence dans Spider-Man 3 témoigne d’un vrai engagement de la part de Sam Raimi. Son parti, de ne pas en faire une voleuse d’homme, est tout à fait louable. Gwen paraît hors du temps comme sortie directement du comics des sixties. Ses choix vestimentaires (couleurs flashy la journée, robe et serre-tête noir) en sont directement inspiré. Mais Stacy, amoureuse secrètement du héros, devient un morceau de choix, une proie sexuelle pour l’araignée qu’est devenu Peter Parker. Raimi aime la difficulté et ne se contente pas d’être parfaitement respectueux de l’esprit de la B.D., il veut être subversif ;et ça marche.

 

 


Mary-Jane: Le vent se lève





Inversement, Mary-Jane perd en sex-appeal. Fini le maquillage excessif, les yeux pétillants et les cheveux brushingés, Kirsten Dunst n’est plus la jeune femme adorée de tous. Icône de l’american beauty dans le 1er Spider-Man, femme fatale dans le second, la copine de Peter tombe de haut : has-been à Broadway, largué en amour et en amitié. Ce contraste par rapport au précédents épisodes se traduit par un jeu affiné de la part de l’actrice, qui va de paire avec la complexité de sa relation avec le super-héros. Mary-Jane Watson apparaît alors comme la personnification, pour Raimi, d’une relation amoureuse adulte. Essaie-t-il de nous dire que le meilleur dans une idylle, c’est la conquête ?


Le personnage créé par Stan Lee dans les années 60 se déploie ici à son maximum. Lee n'aurait pu imaginer les possibilités infinies et évolutives qu’avait à offrir Sam Raimi pour son "monte-en-l'air". Plus encore que pour les deux premiers, cet épisode est composé de strates déclinables en diverses interprétations et en autant de paraboles plus ou moins subtiles. Peu importe, cerveau off, Spider-Man 3 se déguste à point comme saignant.

A suivre ?…

Publié dans Cinéma

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